Dr Madeleine Johnson : « L’objectif est de créer, de promouvoir et de valoriser toutes les articulations culturelles Banen »

Dr Madeleine Johnson : « L’objectif est de créer, de promouvoir et de valoriser toutes les articulations culturelles Banen »

Dr Madeleine Johnson, responsable du pôle culture et Membre de la Coordination YININDI est l’artisane principale qui a oeuvré pour la conception et la réalisation du pagne Banen qui est, aujourd’hui, différemment apprécié. Pour donner toute la symbolique qui entoure ce nouveau produit, elle donne à travers cette interview son ressentiment. Décryptage.

Bonjour Madame Johnson ou devrais-je plutôt dire Madame la Présidente de l’association HISENJI ? Je fais remarquer que vous êtes également la Responsable du Pôle Culture de l’Agence YININDI. Vous avez plusieurs casquettes…
Bonjour Monsieur, oui tous ces titres sont les miens ; mais pour le cas d’espèce, c’est Madame la Responsable du Pôle Culture et membre de la Coordination de l’agence YININDI qui est concernée. C’est en effet à ce titre que j’ai coordonné le processus ayant conduit à la production du nouveau pagne du peuple Banen.

Pouvez-vous nous donner les raisons qui ont motivé la création d’un nouveau pagne pour la communauté Banen et surtout quel en est la particularité par rapport aux autres qui ont existé par le passé ?
Merci de l’occasion que vous me donnez de parler de notre pagne. D’entrée de jeu, je dois vous avouer que c’est la volonté des Banen de la diaspora regroupée au sein de l’agence YININDI. Nous nous sommes rendus compte que lors des rencontres interculturelles de la diaspora camerounaise ou africaine, la plupart des communautés étaient reconnues par leur habillement… Le pagne wax pour nous autres, sans publicité aucune, nous renvoie bien évidemment à la mère Afrique en général. Face à ce constat, nous au sein de YININDI avons pensé qu’il fallait que la diaspora Banen ait aussi son pagne, non seulement pour faire comme les autres, mais aussi et surtout pour matérialiser l’unité du peuple Banen, unité que nous prônons avec notre slogan « Munəní ɔmɔtέ », qui est d’ailleurs bien martelé sur ce pagne. Ceci dit, il devient évident que la particularité de notre démarche réside dans le fait que c’est la diaspora banen qui a pris l’initiative de la production de ce pagne. Il s’agit là à ma connaissance d’un fait inédit.

Pouvez-vous nous dire un mot sur l’agence YININDI.
Oui, L’agence YININDI (acronyme de nos arrondissements Yingui, Nitoukou et Ndikiniméki) est d’abord et avant tout un organe technique de réflexion et d’action. Il s’agit en effet d’une structure internationale de promotion culturelle et de développement socio-économique du Munəni au Cameroun et ailleurs dans le monde. L’un de ses buts principaux est donc de promouvoir notre culture afin de la pérenniser et de la placer au centre de nos actions de développement. L’agence YINIDI a plusieurs pôles parmi lesquels celui de la culture.

Quel est le rôle du « Pôle Culture » que vous dirigez ?
L’objectif du Pôle Culture est de créer, de promouvoir et de valoriser toutes les articulations culturelles Banen. Le peuple Banen est un grand peuple diversifié et puissant. Ainsi au sein de YININDI, nous essayons de promouvoir tout ce qui unit les Banen, malgré leurs clivages géographiques. Au regard de ce qui précède, je dois dire qu’il était tout à fait naturel de réaliser ce projet. Nous avons travaillé pendant plus de 2 années en parfaite collaboration avec les populations vivant au Cameroun. Nous avons en particulier collaboré avec certains chefs traditionnels, quelques patriarches et certains universitaires à qui nous disons merci. Ce projet consacre l’unité des Banen des trois arrondissements et tous les cantons qui constituent ce peuple.

Comment ce projet s’est réalisé de manière concrète ?
Nous avons au sein du Pôle traité ce sujet comme un projet de recherche. En faisant des enquêtes sur le terrain et des interviews afin de récolter des données. Ces données ont été par la suite analysées au sein du Pôle. La confection de la maquette s’est faite avec le concours du technicien Emmanuel Dingong à qui nous voulons dire un grand Merci pour son professionnalisme et sa vision des choses. Salut l’artiste ! La maquette a été ensuite présentée à la Coordination et enfin à l’AG pour validation. La maquette finale a été validée après plusieurs discussions parfois très vives…

Comme vous pouvez l’imaginer, confectionner un pagne banen en faisant ressortir des éléments liés à la fois à sa structuration, à sa culture, mais également à sa situation géographique, à son relief, à son hydrographie, etc. n’a pas été un exercice facile. Comme c’est le cas pour tout projet de recherche, nous avons rencontré des difficultés, voire connu des déboires. Mais pour ceux qui connaissent la détermination des valeureux membres du Pôle, (Mesdames : Dr Gisèle Nissack, Christiane Ngoué, Marcelle Behalal, Rosine Memi et Messieurs : Otto Ngombi et Patrick Moukala) à qui j’exprime encore ici ma gratitude, il n’était pas question de laisser tomber. Je dois dire que ce projet ne se serait pas réalisé sans le soutien inconditionnel du Coordinateur Général l’agence YINIDI, le Dr Ghislain Sil Mouil. Nous avons également bénéficié du soutien du CA présidé par Mr. Jonas Beleho, à qui nous disons évidemment merci. Nous ne pouvons parler de la réalisation de ce projet sans mentionner le rôle déterminant joué par l’un des partenaires de l’association Hisenji. Il s’agit de l’’association « Oudong wu Penen », dont la Présidente des femmes, Madame Véronique Ossock a pesé de tout son poids pour débloquer les choses au niveau de la CICAM. En effet, lorsque le processus d’impression de notre pagne était bloqué du côté de la CICAM, elle s’est impliquée personnellement pour faciliter les choses. La Coordination de YININDI par ma modeste voix lui dit un grand merci.

Pouvez-vous nous parler des composantes du pagne ?
Avant de répondre à votre question, il me semble important de vous indiquer la philosophie qui a guidé notre démarche. Pour nous, il était important de situer le pays Banen dans son milieu écologique : milieu de transition jusqu’à la forêt avec une phytogéographie intéressante dans laquelle il baigne. Mettre en exergue sa phytodiversité (matérialisée par les arbres et les herbes) a été un impératif, dans la mesure où elle expose les essences rares et endémiques qui constituent l’une de ses richesses les plus importantes de ce peuple. Sa phytodiversité matérialise aussi le fait que les Banen sont à la base des agriculteurs. Le nouveau pagne Banen a onze composantes :

1) Présentation du pays Banen, constitué des 3 (trois) arrondissements d’origines : Ndikiniméki, Nitoukou, Yingui, matérialisée par la carte géographique de ceux-ci avec les couleurs du Cameroun (vert, rouge et jaune)

2) Les noms des 7 (sept) cantons : Itoundou, Inoubou Sud, Inoubou Nord, Ndokbiakat, Lognanga, Ndoktuna, Yingui - et celui de l’association des chefferies de Nitoukou

3) Les noms des principaux cours d’eau, afin d’indiquer que le pays Banen est bien arrosé par les grands fleuves emblématiques qui sont : Inoubou, Makénéné, Makombe, Manoui, Molo, Noun et Mbam. Chacun de ces fleuves a une histoire ou une signification particulière avec les limites et la géopolitique du pays Banen. Les Banen pratiquent également de la petite pêche. Tout ceci est matérialisé par la couleur bleue

4) Les élévations qui représentent un relief très complexe avec des monts, des vallées, des chutes d’eaux et des grandes grottes

5) Le mot BANEN pour matérialiser l’unité du peuple Banen, grand et diversifié marqué par les idiomes différents et les clivages géographiques

6) La plante Gnetum sp ou hέkɔkɛ : base du plat culinaire Banen

7) Le lion noir, Symbole de la puissance, de la force et de l’invincibilité du peuple Banen en général et du Munəni en particulier. Ce symbole représente aujourd’hui le Cameroun tout entier

8) La végétation matérialisée par le vert : les arbres et les herbes. Le pays Banen phytogéographiquement relève de la zone de transition : la lisière savane-forêt à la forêt.

9) Le fruit d’Aframomum melegueta ou hέlɔά yέ ábάsá. Il représente « l’alpha et l’oméga » des us et traditions Banen. Avec les graines de celui-ci on peut soit bénir soit maudire. Témoin du « sérieux » de tout ce qu’un Munəni peut faire

10) Le soleil qui représente le réveil du peuple Banen. Ce réveil est particulièrement perceptible dans le combat que nous menons tous pour la réappropriation de notre patrimoine. Vivement que ce soleil continue son ascension dans le ciel pour nous mener vers notre épanouissement total.

11) Les balais symbole de l’unité et de la force

Comment le pagne a-t-il été accueilli par les populations Banen ?
Très bien de manière générale ! La grande majorité a adhéré… Le peuple Banen ne cessera de me surprendre positivement. Après la publication du pagne nous avons reçu beaucoup de mots de félicitations et d’encouragement ; mais aussi deux suggestions constructives qui ont retenu notre attention :

- L’orthographe de certains noms de cantons de l’arrondissement de Yingui : en occurrence -Ndokbiakat et Lognanga Comme je l’ai souligné plus haut, nous avons collaboré avec les chefs traditionnels et les intellectuels Banen. Signalons également que nous avons bénéficié des conseils de certains membres du CODELATU (Comité de Développement de la Langue Tunen), en occurrence ceux du Rev. Pasteur René Balehen, Messieurs Oscar Belias et Samuel Bete à qui nous disons ici merci. La langue parlée n’est pas la langue écrite. Chaque ressortissant de nos arrondissements d’origine a son hinen « parlé » mais tous les Banen ont le tunen « langue écrite » en partage. L’on n’écrit pas le « p », mais on le prononce par exemple chez les túbúáŋɛ. Dans le même ordre d’idée, nos noms « prononcés » ne s’écrivent pas comme tels.

Lors de nos échanges avec le chef de canton de Yingui SM Camille Lombi, il nous a par exemple confié qu’on disait « Line » pour parler de Yingui. Nous signalons ici ces exemples pour signifier la dichotomie encore existante entre les différentes versions parlées, écrites ou adoptées administrativement. Même du côté de l’arrondissement de Ndikiniméki, loin des Bassa (car il nous a souvent été dit que le préfixe « ndok » émanait de la langue bassa), il y a des villages tels que Ndokohok, Ndokononoho, Ndokwanen, Ndokbou, etc. Tout ceci pour dire que nous avons considéré l’écriture qui est administrativement validée. Loin de vouloir minimiser les corollaires des préjudices subis par ceux qui y accordent de l’importance, nous pensons que si nous ne voulons plus utiliser le « Ndok », dont le « Ndek » ou le « Ndik » serait plus approprié, Le CODELATU (à notre humble avis l’instance la mieux indiquée) devrait nous aider dans ce sens ou alors il faille trouver un consensus au-delà de l’arrondissement de Yingui et susciter l’adoption des nouvelles appellations auprès de l’Administration.

J’ai dit précédemment que la grande majorité a accueilli favorablement ce pagne. Je dois honnêtement reconnaitre que nous avons aussi reçu des critiques, parfois très virulentes, bien que très minoritaires… Il nous a par exemple été reproché de n’avoir pas inclus Makénéné, et particulièrement les Nyokon, les Kon Yambéta et les Lémandé… Je laisse le public apprécier cette critique. Il nous a aussi été reproché de n’avoir pas pris en compte les outils ou instruments importants pour le peuple Banen

En effet, je constate que le tamtam, la houe et la machette ne figurent pas sur ce pagne…
Pour ce qui est du tamtam, pourquoi pas, nous prenons bonne note. Pour ce qui est de la houe ou de la machette (pour indiquer que les Banen sont des agriculteurs), par contre, la critique ne nous semble pas justifiée. Nous avons matérialisé autrement le fait que les Banen sont des agriculteurs, notamment par la végétation : les arbres et les herbes pour ce peuple qui bénéficie des savanes et des forêts pour la petite chasse également.

Satisfaite alors ?
Oui nous sommes très satisfaits de notre taf au sein du Pôle bien que toute oeuvre humaine soit perfectible. Les retours autant positifs que les critiques constructives montrent bien l’intérêt des Banen de tous bords. Je dois dire que la satisfaction n’est pas individuelle ; la réalisation de ce projet fait la fierté de de l’agence YININDI. En fin de compte, c’est le Munəni en général qui doit être satisfait de cette oeuvre malgré ses insuffisances ; un seul mot : « Munəní ɔmɔtέ ».

Les points et le prix de ventes sont-ils déjà connus ?
Nous à l’agence parlons plutôt des « points de retrait », pour faciliter les paiements et limiter les embouteillages. Nous avons adopté ce système pour une meilleure traçabilité et avons à cet effet ouvert un compte « ORANGE MONEY ». Une fois le paiement effectué, le pagne sera retiré dans l’un de nos points de retrait. Au niveau de la diaspora, tout est géré par la Coordination.

Quand, ou, et à quelle occasion les Banen pourront arborer ce pagne ?
Comme je l’ai dit au début de mon propos, les Banen mettront ce pagne lors des rencontres interculturelles nationales et internationales. Je saisis cette occasion pour vous informer que l’association Hisenji avec le soutien de ses partenaires (YININDI, Nikul USA, Oudong wu penen, Hikoko, Nussieline, PBCD, Radio Inubu, Afrique Today), organise un mini FestiBanen tous les ans dans l’un de nos arrondissements d’origine. La 3ème édition dudit festival aura lieu à Yingui l’année prochaine s’il plaît à Dieu. Ce sera donc une occasion de mettre ce pagne… J’invite par conséquent tout le peuple Banen à se lever comme un seul homme afin de se retrouver à Yingui le dernier week-end de février 2021, afin de valoriser et promouvoir sa culture et l’unité du peuple Banen. Au niveau de la diaspora, nous aurons l’occasion de nous retrouver lors de l’AG de l’agence pour fêter la sortie de ce pagne comme il se doit.

Un dernier mot ?
Nous au sein du Pôle suggérons que les femmes de nos différents arrondissements se fassent coudre les « kabas » puis attacher les foulards qui correspondent aux couleurs desdits arrondissements ; c’est-à-dire le vert pour Yingui, le rouge pour Ndikiniméki et le jaune pour Nitoukou.

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La coordination

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Dr. Gérard Mbenda

Coordonnateur général

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Moukoundy Françoise

commissaire aux comptes

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Emmanuel Boumsong

Rapporteur

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Paul Otam

Gestionnaire