Dr Zachée BOLI BABOULE :«Je demande au gouvernement de faire justice aux peuples déguerpis»

Dr Zachée BOLI BABOULE :«Je demande au gouvernement de faire justice aux peuples déguerpis»

Il a été parmi les pionniers qui ont marqué leurs oppositions dans la spoliation des terres d’Ebo. Coordinateur de la commission de suivi de l’affectation et de la valorisation des ressources naturelles des arrondissements de Yingui et de Ndikiniméki, le Dr Zachée Boli Baboulé a marqué son temps. Amorti mais toujours déterminé à voir ce retour aux sources avec la bénédiction du gouvernement, l’homme nous a donné son avis sur les moments forts de cette histoire. Ils sont devenus des déplacés internes depuis bien des années qui, aujourd’hui veulent retrouver leurs terres. Décryptage.

La forêt d’Ebo est aujourd’hui au centre d’une controverse entre l’Etat du Cameroun et les communautés déguerpies. Peut-on avoir une idée sur la genèse de ces terres et leurs communautés ?
Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez sur les problèmes des populations déguerpies lors des troubles qui ont conduit notre pays à l’indépendance. La principale raison des déguerpissements était le besoin de pacification rapide de la zone qui était infestée par le maquis. Des personnes étaient tuées, violentés et séquestrés. Bref c’était du terrorisme. Ce déguerpissement a commencé en 1960 avec le Canton Lognanga, et s’est poursuivi en 1961 par le canton Ndogbiakat. A la suite de l’assassinat du chef Logmbo qui se nommait Bessomen (Somon), et la préméditation de celui de mon père Boulis Baboule qui était l’organisateur de l’auto-défense qui avait pris faits et cause pour les intérêts de la République.

Au moment des déguerpissements des populations au moment des troubles survenus lors des guerres de l’indépendance, qu’elle était l’objectif de l’Etat en déguerpissant les communautés de leurs terres ?
Il faut noter ici que ce ne sont pas seulement les communautés Banen qui ont été déguerpies, et ce n’est pas seulement cette Région qui était concernée par le déguerpissement. L’objectif était la pacification rapide de la zone puisque les maquisards s’appuyaient sur les populations. Ceux-ci étaient obligés de choisir entre les voies de l’Etat et celle de l’insurrection. La majorité des populations a choisi de se rallier à la cause de l’Etat.

Le comité d’auto-défense ne pouvait pas faire le poids par ce que seul les maquis étaient armés et le comité pas du tout. Et comme il n’y avait pas de route, les militaires marchaient des journées entières pour arriver dans la zone. On ne pouvait donc pas assurer une protection efficace aux populations. La stratégie de l’Etat était de nous déguerpir et de nous caser quelques parts pour mieux combattre les terroristes. Il y avait un projet de développement des infrastructures routière donc Razel exécutait déjà un tronçon qui sera plus tard abandonné. Jusqu’aujourd’hui, on n’a plus jamais parlé de cette route du fait de la présence de ces terroristes et de certains préjugés. C’est comme s’il y avait un complot caché derrière ce projet. C’est le feu Député Dissake qui avait négocié ce crédit-là.

Y-avait-il eu une promesse de réinstallation des populations à cours, moyen ou long terme par l’Etat du Cameroun ?
C’était une évidence. Le gouvernement nous avait dit : aller le temps qu’on matte le maquis et vous reprenez vos terres. Les conditions naturelles du retour des populations étaient la construction de la route. Et on était en train de construire la route. Razel était déjà dépassé Mossè en ce moment-là. Finalement on a enlevé ces crédits pour aller créer les routes ailleurs.

Les populations déguerpies se sont retrouvées partout. D’autres étaient à Yingui pendant que certains étaient à Ndogbiakat et ainsi de suite. Il faut déjà comprendre que notre milieu naturel nous permettait de mieux nous déterminer. A cette époque, nous avons demandé au chef de district de voir dans quelle mesure il doit organiser le retour dans nos terres. Après consultations, le Préfet Nkoungou Edima Ferdinand a écrit à mon papa pour créer les regroupements d’Iboti et de Logdeng pour les Ndokbiakat, pour ceux qui ne voulaient pas rester à Yingui. Iboti a été créé par ceux qui se sont sédentarisés sur les terres qu’on leur avait cédées. Depuis lors, il y a un problème de regroupement que l’Etat n’a pas résolu.

Aujourd’hui ou je vous parle, dans ces regroupements à Logdeng et à Yingui, les gens vous disent de planter le manioc et non le Cacao par ce que ce n’est pas votre terrain. Ces problèmes se font ressentir aussi du côté de la Sanaga Maritime. Cette situation s’est aussi caractérisée dans la zone Ouest ou après, l’Etat a créé les conditions de réinstallation. On peut parler ici de Makénéné, Nyokon, Tonga, Mantoum et ce jusqu’à Bangangté. Il y a eu une conjonction de moyens pour faciliter leur retour. Et j’entends aujourd’hui parler de déplacer interne, je me demande qu’est-ce qu’on fait pour nous autres qui restons dans les regroupements depuis tant d’années sans que l’on ne nous donne les conditions d’un retour chez nous ? C’est ça l’injustice dont nous sommes victimes.

Qu’est ce qui n’a donc pas fonctionné dans les besoins de réinstallation de ces communautés sur leurs terres une fois-là crise terminée ?
Quand vous posez la question de savoir qu’est ce qui n’a pas marché ? Il faut simplement intégrer que l’Etat n’a rien fait du tout. En regardant les populations qui sont installées à partir de Massoumbou jusqu’à Yabassi et dans les forêts environnantes, les gens venus de la forêt d’Ebo se sont installés à ce niveau, pas par ce que les terres sont trop riche. C’est pendant ces troubles que ces routes ont été peuplées avec l’espoir de rentrer lorsque le calme sera revenu. Ces populations auraient pu aller dans le Mungo ou les terres étaient plus fertiles. Mais tous avaient espoir de rentrer. On ne comprend rien sur ce qui était réservé pour nous. Et Dame Ekoum avait soulevé ce problème en précisant qu’il y a un agenda caché qui vise à diviser le Nkam.

En envoyant une partie dans le Mungo et l’autre dans la Sanaga Maritime. Et ce qui le prouve, c’est qu’entre crée l’UFA 004 TFC au nord et celui qu’on voudrait créer aujourd’hui, tous coalisent. Conséquence il n’y a rien pour créer la route. Et le minimum que l’Etat devait faire c’était de créer la route Yabassi-Ndikiniméki. Ce tracé là c’est celui que les allemands avaient défini comme étant la dorsale du Cameroun qui partait de Mora, Maroua, Garoua, N’Gaoundéré, Tibati, Yoko, Ndikiniméki, Yabassi et Douala. Les autres régions devaient s’appuyer sur cette dorsale.

En 2006, vous étiez respectivement le coordinateur et le secrétaire de la CSAVRYN qui a déposé des oppositions contre le projet de déclaration d’une partie de la forêt d’Ebo d’utilité publique. Pourquoi l’Etat n’a pas adhéré à votre démarche ?
Il est difficile ici de parler de l’Etat. Moi je parlerai plutôt du ministère des forets. Nous n’étions pas d’accord sur la façon avec laquelle le ministère des forets menait ce processus. En fait c’était un hold-up qui était orchestré. Après les différentes réunions qu’il y a eu, nous avons eu à informer objectivement la Présidence de la République, le premier ministère et même le ministre de la forêt des incongruités dans la mise en oeuvre du processus.

Et je crois que le fait qu’on ait donné des éclairages précis, qui démontraient les multiples insuffisances des personnes chargées de négocier avec nous, a convaincu le gouvernement et le président de la République entre autre, en l’encourageant de ne pas accepter l’érection de ce domaine en parc national. Il n’était pas nécessaire de créer un projet avec des élans d’instabilité à l’intérieure. Aujourd’hui, on ne peut pas faire cette injustice à un peuple et il faut reconnaitre que la biodiversité est d’abord la notre. Nous n’avons pas réclamé la totalité du territoire. Il est question d’avoir des espaces qui portent des noms des communautés précises ou des personnes vont s’installer. Je dois dire ici qu’il y a un problème qui s’articule sur le manque d’écoute de certains fonctionnaires qui ne font pas le travail qu’il faut. Quand vous voulez gérer une ressource, la première chose c’est de la caractériser, et bien la caractériser c’est de savoir de quoi elle est composée, qu’elles sont les éléments et qu’elles sont les propriétés des éléments.

Quand on dit qu’on transforme une zone en parc, il faut faire des études du milieu. Quand on dit qu’on veut transformer en UFA, il faut une population, il faut des arbres et voir s’ils sont exploitables. Dans le concept de la forêt, il y a plusieurs visons et problématiques. Il y a des zones qui sont à protéger par ce que très sensibles. Je crois que l’Etat nous a écouté. C’est la raison pour laquelle on n’a pas transformé cet espace en parc. Le premier ministre nous avait demandé d’aller au ministère des forets, et ce dernier nous a demandé de voir le directeur des forets. On n’y est allé. Mais alors, on nous a opposé un silence total. La zone concernée englobe trois bassins versants. Ça veut dire que dans cette zone-là, une partie des eaux va dans le Nkam, la Sanaga et une autre vers la Dibamba. Les bassins versant sont des zones qui renvoient les eaux vers la mer. Les trois fleuves amènent l’eau vers la mer. Il ne faut pas avoir une vue étriqué et ne voir que la coupe du bois.

Qu’elle est aujourd’hui votre sentiment sur la démarche entreprise par la jeune génération pour continuer ce combat ?
C’est un très grand honneur aujourd’hui de comprendre qu’on a une relève qui pourra assurer la continuité du combat que nous avons commencé. Nous avons fait du mieux que nous avons pu pour faire aboutir notre démarche. Nous avons marché et on est fatigué aujourd’hui. Mais nous sommes de tous coeurs avec les actions qui sont aujourd’hui posées.

Ce serait une grosse erreur que de constater que les descendants de nos trois grands Canton dont Inoubou Sud, Lognanga et Ndogbiakat ne puissent avoir de repère lorsqu’on sera parti. C’est pour ça qu’il est important de faire comprendre à l’administration l’intérêt du retour à nos sources. Et le gouvernement doit mettre les moyens nécessaires en termes d’infrastructures et des supports d’échanges à cet effet.

Si vous avez un message à passer au gouvernement, que leur diriez-vous ?
Je voudrais dire pour commencer merci au gouvernement pour nous avoir écoutés. Si le projet de parc national n’est pas passé, je suis convaincu que c’est parce qu’il a été sensible à nos pleures. A la CSAVRYN, on ne se limitait pas à dire non. On n’a voulu faire connaitre notre association pour lui donner une personnalité juridique. Nous avons monté un dossier qui est rentré sans suite. Mais cela ne nous a pas empêché de continuer à revendiquer. Tout ce qu’on a fait sortait de nos poches. Je demanderai au gouvernement de faire justice aux peuples déguerpis, car il n’est jamais trop tard. Beaucoup sont morts sans être enterrés auprès de leurs ancêtres et dans leurs terres.

Que le gouvernement donne cette chance à nos jeunes générations de retrouver leurs sources. Nous qui sommes partis à 13 ans, on ne peut pas aujourd’hui marcher. Le gouvernement doit nous permettre, nous qui sommes encore vivant d’aller montrer nos repères à nos enfants. Et le gouvernement a les moyens pour construire la route et faciliter ce retour. Rendez-nous justice. Le Cameroun à un problème d’affectation des terres et y a beaucoup de crise qui sont en attente et cela pourrai générer beaucoup de désordre. Il faut que les terres soient affectées et pour cela le gouvernement doit mettre de l’ordre.

Quel message aux communautés déguerpies de la forêt d’Ebo ?
Aujourd’hui, il est question de nous donner une priorité. C’est que nous soyons entendus. Arrêtons de jacasser et de nous en prendre aux uns et aux autres. Regardons tous dans la même direction. Nous avons un objectif, c’est amener le gouvernement à faire justice aux populations déguerpies. C’est aujourd’hui normal que les jeunes prennent la relève quand il est constaté que nous n’avons plus l’énergie nécessaire pour poursuivre nos combats. Après cette phase de protestations et de doléances, nous devons nous organiser entre nous et nous définir des objectifs.

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